En France, les résultats de sondages d’opinion indiquent régulièrement que deux personnes sur trois s’identifient spontanément aux classes moyennes. Le résultat, toujours actuel, confirme ce que Valéry Giscard d’Estaing résumait dans le titre d’un de ses ouvrages : « deux Français sur trois ».
Cette forte identification française aux classes moyennes est certainement à relativiser dans la mesure où le sentiment d’appartenance à des classes sociales diminue. La moitié seulement des personnes vivant en France estiment appartenir à une classe sociale, la propension étant plus élevée d’ailleurs pour les cadres que chez les ouvriers.[1]
Ce niveau élevé d’adhésion spontanée à l’idée d’appartenir aux classes moyennes s’explique en partie par la sous-déclaration des individus appartenant aux catégories les moins bien loties, qui préfèrent l’image valorisante des classes moyennes à celle plus ternie attachée aux classes défavorisées. Les déclarations des groupes les plus favorisés sont victimes d’un biais symétrique. Peu conscients de leur aisance, ceux-ci se considèrent en grande majorité comme faisant partie des classes moyennes.
Des enquêtes récentes menées par le CREDOC ou pour la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), il ressort bien que les deux tiers des Français veulent bien se classer dans cette catégorie. Ceci ne leur confère pas une identité de classe, mais confirme que les Français se représentent, pour les deux tiers d’entre eux, au centre de la distribution des revenus et des positions sociales.
Deux tiers de Français estiment appartenir aux classes moyennes
Enquête Ifop, Fondation pour l’Innovation politique (2010) |
Les défavorisés |
Les catégories modestes |
Les classes moyennes |
Les classes moyennes supérieures |
Les favorisés ou les aisés |
4 % |
29 % |
52 % |
13 % |
2 % |
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Total « classes moyennes » : 65 % |
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Enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français » CREDOC, 2008 |
Défavorisés |
Classes populaires |
Classe moyenne inférieure |
Classe moyenne supérieure |
Aisés, privilégiés |
6 % |
21 % |
44 % |
22 % |
5 % |
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Total « classes moyennes » : 66 % |
Sources : Fondapol, CREDOC
Cette importance subjective des classes moyennes, en France, se retrouve en comparaison internationale, européenne au moins. Dans une récente enquête Eurobaromètre il apparaît que 60 % (soit presque deux tiers) des Français estiment que leur ménage se trouve dans une situation « ni riche, ni pauvre ». En moyenne dans l’Union, c’est le cas de 49 % des ménages. La France, sur ce plan, est au premier rang européen.
Il y a là illustration de l’importance particulière que revêtent, en France, le sujet des classes moyennes, celui des constats qui peuvent être faits de leurs progrès ou de leurs difficultés, et celui des politiques qui les distinguent, les oublient ou les défavorisent (relativement).
Relevons que les Hollandais sont les seuls en Europe à s’estimer, majoritairement (62 % !), riches. À l’inverse, la majorité des Bulgares (61 % !) se disent pauvres. Dans une certaine mesure, et dans ces deux cas, on a – un peu plus de vraisemblance que dans les esprits français.
Part de la population estimant que son ménage est dans une situation… (en %)
Source : Eurobaromètre, décembre 2010
[1]. Voir France Guérin-Pace, Olivia Samuel, Isabelle Ville (dir.), En quête d’appartenances. L’enquête Histoire de vie sur la construction des identités, Paris, INED, 2009.