Quartiers d’insécurité : inverser la causalité !
Au championnat de France des plans Marshall pour les banlieues, Manuel Valls vient de gagner sur au moins un point. Tout, dit-il, ne se réglera pas à coups de millions. Il a raison. Il a également raison quand, au sujet des « zadistes » de Sivens, il promet une « réponse extrêmement déterminée, extrêmement ferme de l’Etat » énonçant que « l’ordre républicain doit s’imposer ».
Le Premier ministre, ajoutant apartheid et peuplement à la logorrhée habituelle sur le lien social républicain et le vivre ensemble citoyen (et vice versa), souhaite réformer la politique de la ville. Celle-ci, très décriée, est mal nommée car elle ne porte que sur une géographie particulière, dite prioritaire, de quartiers sensibles (comprendre : très préoccupants). Sur la dernière décennie, elle aura représenté une demi centaine de milliards d’euros. Avec des évaluations contrastées. Des opérations lourdes de rénovation urbaine transforment incontestablement certains sites. Mais le saupoudrage de subventions ne saurait altérer le noyau dur des difficultés. De nombre de quartiers ciblés, il ne ressort que mal-être d’habitants qui s’enfuient ou qui voudraient pouvoir le faire. Et s’ils aspirent à rester, ils ne demandent pas des choses compliquées (comme plus de mixité et moins d’amalgame) mais de la tranquillité.
L’erreur fondamentale procède probablement du diagnostic. Experts et professionnels de cette politique de la ville martèlent que la pauvreté conduit à l’insécurité. La perspective mérite une permutation. Ce n’est pas la pauvreté qui produit l’insécurité, mais l’inverse. D’abord, individuellement, il n’est ni nécessaire ni suffisant d’être pauvre pour être délinquant. Ensuite, collectivement, la relation logique entre les deux phénomènes est plus évidente : un quartier miné par la criminalité ne peut que péricliter. Ne plus pouvoir sereinement y pénétrer pousse le secteur privé à s’en retirer et l’économie illégale à y prospérer. Quant au secteur public, la violence débile à l’encontre de ses représentants mène à la décrépitude. La France bleu, blanc, rouge (bleu pour la police, blanc pour les ambulances, rouge pour les pompiers) est ainsi visée par de jeunes mâles abrutis en manque de tristes exploits. La dynamique d’ensemble alimente dégradation et paupérisation.
Ce diagnostic renversé à l’esprit, que faire ? Certains, à gauche même, ont préconisé l’armée pour investir les quartiers. Si l’affaire n’est pas forcément militaire, une doctrine de reconquête semble nécessaire. La tolérance zéro consiste à ne pas tolérer les petites incivilités au risque de voir s’étendre les plus gros problèmes. Cette théorie, dénoncée par de bonnes âmes comme relevant du prurit sécuritaire, a été mise en œuvre dans de grandes villes américaines. Et singulièrement New York, une ville – on l’oublie souvent – qui était au tournant des années 1970 et 1980 le symbole de la crise et de la criminalité. On voit le chemin parcouru. Dans un autre contexte, celui des quartiers problématiques en France, il faut s’attaquer maintenant frontalement à l’insécurité avant de pouvoir prévenir les incivilités. Il faut une tolérance zéro pointé, une intolérance intégrale à l’égard des troubles et fauteurs de trouble qui brisent la vie des gens honnêtes. Voici certainement la priorité des priorités pour les quartiers.
Julien Damon