Un socle universel de protection sociale
Sous un titre qui sonne comme un clin d’œil à Tintin, Martin Hirsch produit une analyse rigoureuse et des propositions vigoureuses afin de réaliser ce que bien des gens considèrent comme une douce utopie : un socle de protection sociale pour l’ensemble de personnes vivant sur la planète.
Julien Damon. julien.damon@sciences-po.fr
Martin Hirsch, Sécu : objectif monde. Le défi universel de la protection sociale, Paris, Stock, 2011, 159 pages, 12 €.
Tel Tintin, on retrouve l’ex-Haut Commissaire aux solidarités actives au Bénin, à Sao Paulo, à Genève, à Pékin, à Pretoria, à Delhi ou encore, pour finir, à Roubaix. L’aventure est cependant toujours la même : observer les différences et convergences des modèles de protection sociale, prendre en compte les avancées et surmonter les fossés. Membre du groupe consultatif mondial sur le « socle de protection sociale » – une initiative très officielle des agences onusiennes – Hirsch rappelle d’abord que 75 % des êtres humains n’ont pas accès à une protection sociale « digne de ce nom ». Il observe aussi une involution dans les pays riches (où la protection sociale est attaquée pour son principe, son contenu et/ou ses déficits) et une évolution dans les pays pauvres (où les systèmes naissants se renforcent notamment à partir d’expérimentations).
Une utopie réaliste
Dans ce contexte, qui est aussi celui d’une mondialisation critiquée et d’une crise chaotique, la thèse hirschienne est forte. Plutôt que de s’acharner à faire baisser les coûts du travail dans les pays riches, il faut les faire augmenter dans les pays pauvres afin de financer la couverture sociale de la population. L’ambition est de refaire de la protection sociale un atout compétitif. Plutôt que d’incarner son socle de manière restrictive (un plancher minimal) ou extensive (avec un panier irréaliste de services), Hirsch souligne « d’immenses différences, d’étranges ressemblances », par exemple entre les allocations familiales à la française et les mécanismes de transferts monétaires conditionnels mis en œuvre dans nombre de pays en développement. L’auteur fait siennes les analyses, au demeurant peu contestées, selon lesquelles les investissements dans le social (et, en l’occurrence, dans la prévention sanitaire et l’assurance maladie) sont rentables. Il relève que sans corruption, la question du financement n’en serait pas vraiment une dans bien des pays. Pour le reste, il est possible d’innover et pourquoi pas en imposant de nouvelles normes sociales internationales. Le socle pourrait ne représenter dans chacun des pays « que » 5 % de son PIB.
Une discussion à venir pour le G20
Tout ce propos, avec quelques répétitions, est avancé pour une discussion sérieuse, au plus haut niveau, lors du sommet du G20, sous présidence française, en novembre prochain. Dans la suite des Objectifs du millénaire pour le développement (qui courent pour 2000-2015), Hirsch invite, en particulier, à se fixer un objectif de 75 % de la population mondiale convenablement couverte d’ici 2030. Irréaliste, comme le disent les sceptiques ? Au regard de l’histoire de la protection sociale des pays riches tout comme du plaidoyer étayé de Hirsch, le possible semble tenable.
Extraits
« Le socle de protection sociale, davantage qu’un catalogue de prestations sociales, peut être conçu de manière pertinente comme un ensemble de valeurs et de principes universels ».
« L’Occident est devenu riche avant de devenir vieux. La planète va devenir vieille avant d’être riche ».
« Pourquoi ne pas passer de 75 % de la population mondiale sans protection à 75 % de la population mondiale protégée d’ici 2030 ?».