L’allocation sociale unique : de nombreuses questions
L’idée d’une allocation sociale unique va alimenter la prochaine élection présidentielle. François Fillon la propose dans son livre « Faire ». Les entourages des autres potentiels candidats à la primaire à droite y réfléchissent. À gauche, le projet de simplifier radicalement le système des prestations ne laisse pas indifférent. Des deux côtés, des voix s’élèvent pour fusionner certaines prestations, allant parfois jusqu’à un revenu universel complétant ou se substituant à l’ensemble de la protection sociale. L’idée d’allocation sociale unique est une sorte de voie moyenne, se cantonnant aux principales prestations sous condition de ressource. La Cour des Comptes suggère, de son côté, un rapprochement des principaux minima sociaux avec les prestations logement. Mais de quoi parle-t-on ? La matière est aussi compliquée que les enjeux sont importants. Les minima sociaux amènent le revenu des ménages à un niveau minimum. On trouve, dans cette famille, le RSA, le minimum vieillesse, l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation de solidarité spécifique (pour les chômeurs en fin de droit), et quelques autres de moindre envergure. L’ensemble représente, fin 2013, 4 millions de personnes allocataires (7 millions de bénéficiaires avec les enfants et conjoints), pour 23 milliards d’euros de dépenses publiques. De leur côté, les prestations logement concernent 6 millions de locataires pour 18 milliards d’euros de dépenses. Toutes ces allocations sont gérées principalement par les CAF, mais aussi par Pôle Emploi ou d’autres caisses de sécurité sociale, pour le compte de l’Etat ou celui des départements. Elles peuvent être améliorées, localement, par des exonérations fiscales, de l’accès gratuit à certains services proposés par les collectivités territoriales. Aller dans le sens d’une allocation unique suppose donc cinq mouvements, redoutables politiquement et techniquement. D’abord, il faut décider de l’ensemble qui sera fusionné. Jusqu’où aller ? Faut-il, par exemple, inclure les prestations familiales ? Ensuite, il faut décider d’un organisme gestionnaire unique. Lequel ? Il faut également choisir une modalité uniforme de financement, de calcul et de versement. Et dire, à moins de ne faire que refaire la peinture sans toucher vraiment au mur, qui seront les gagnants et perdants d’une telle réforme. Il faudrait, enfin, uniformiser la prestation unique afin qu’elle ne varie pas localement en fonction des décisions municipales. Qui décidera de mettre un terme à la libre administration des communes ? La simplification, comme toujours, apparaît bien compliquée. Personne n’a encore relevé que la perspective était déjà aussi clairement exprimée il y a 10 ans, quand, en 2005, Martin Hirsch la dessinait assez précisément avec son projet, alors très ambitieux, de RSA. Le passage par le débat financier et parlementaire aura eu raison de sa grande visée. Qui revient pourtant aujourd’hui avec force.